S’il était candidat en France, Donald Trump n’aurait aucune chance d’être élu président alors qu’il en a une sur deux, voire un peu plus, de retrouver le Bureau ovale de la Maison-Blanche. Trop extrémiste, trop grossier, trop inculte. Selon un sondage BFM/Elabe, seuls 13 % des Français souhaitent sa victoire contre 64 % pour Kamala Harris.
Le candidat républicain a ses partisans en France, plutôt à l’extrême droite de l’échiquier politique. Les Républicains (LR) français, eux, se gardent bien d’apporter leur soutien à celui qui dirigea les États-Unis de 2016 à 2020 avant d’être battu par Joe Biden. En 2016, Nicolas Sarkozy avait avoué sa préférence pour Hillary Clinton.
On notera quand même la déclaration en mai 2023 de Laurent Wauquiez, alors président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes mais déjà en piste pour l’élection de 2027 : « Un État profond s’est constitué avec une administration qui s’est autonomisée du politique, voire politisée avec ses propres objectifs. » Du Trump pur jus. L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, quand il était le chef des sénateurs LR, reconnaissait à Trump sa vertu de « doer », d’homme d’action.
Rallié à Marine Le Pen, l’ex-président de LR, Éric Ciotti, voterait Trump s’il était américain, en phase avec son discours sécuritaire anti-immigration et à poigne. Le porte-parole français des trumpistes, Nicolas Conquer, appartient au nouveau parti du député de Nice et s’est présenté dans l’ancienne circonscription de Bernard Cazeneuve à Cherbourg. Ce militant anti-avortement, qui a obtenu son ticket pour le deuxième tour, a été sévèrement battu par la socialiste Anna Pic (59 % contre 41 %).
La distance de Marine Le Pen
Vote identique pour Nicolas Dupont-Aignan, qui salue le discours protectionniste de Trump, et Éric Zemmour, qui, lors de sa campagne présidentielle 2022, avait pu échanger pendant une quarantaine de minutes au téléphone avec le futur candidat et l’avait largement fait savoir. Une pierre dans le jardin de Marine Le Pen qui, en janvier 2017, avait en vain fait le pied de grue devant la Trump Tower en espérant rencontrer le tout nouveau chef de la Maison-Blanche pas encore entré en fonction. Celui-ci avait avoué ne pas la connaître. Elle avait eu plus de réussite avec Vladimir Poutine.
Depuis l’invasion du Capitole, quatre ans plus tard, Marine Le Pen a pris ses distances avec un Donald Trump qui fait un peu désordre dans son projet de normalisation et de respectabilité, en rupture avec son père réputé pour avoir plus facilement l’insulte à la bouche. Subsistent cependant quelques ambiguïtés dans l’attitude du RN. Celui-ci approuve bien sûr la rhétorique anti-immigration de Donald Trump mais ne partage pas toutes ses opinions.
Jordan Bardella avait prévu d’assister à un de ses meetings au printemps 2020, déplacement annulé à cause du Covid. Le 28 octobre dernier, le président du RN a estimé que « Donald Trump défend l’intérêt des Américains, une forme de fierté américaine, et j’aime ce patriotisme ». Comme si Kamala Harris n’était pas elle-même une patriote. Jordan Bardella s’est par ailleurs engagé à « respecter le vote » du peuple américain, ce qui est rassurant.
« Un dingo fascisant », selon Mélenchon
Dans les allées du pouvoir, neutralité obligée, mais il est facile de deviner de qui l’exécutif espère l’élection. À gauche, pas une voix pour encourager Donald Trump, même si certains commentateurs, voire des élus, se sont parfois demandé si Jean-Luc Mélenchon, avec ses coups de gueule et ses outrances verbales, n’était pas le Trump tricolore. Outre que le chef de file des Insoumis est beaucoup plus cultivé que Donald Trump, ce qui n’est pas un exploit, il ne partage quasiment aucune idée avec lui, à commencer par l’immigration. En 2016, il l’avait même traité de « dingo fascisant » sur un plateau télé.
De toute façon, connaissant l’hostilité qu’éprouvent les Insoumis à l’égard des États-Unis (sauf le député Thomas Portes envers l’équipe nationale de basket), on se doute qu’ils restent à l’écart de cette élection et que Kamala Harris est juste jugée « moins pire » que Trump. En 2016 et en 2020, Jean-Luc Mélenchon n’avait pas caché sa préférence pour le sénateur Bernie Sanders, double candidat aux primaires démocrates, qui n’hésitait pas à se qualifier de socialiste, sachant que le socialisme aux États-Unis n’a rien à voir avec le socialisme hexagonal.
Kamala Harris ne toperait pas du tout avec le programme du Nouveau Front populaire, mais l’élection américaine est l’occasion de rappeler l’indémodable réflexion de Raymond Aron : « Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. »
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