« Mexicanisation », « narcoracailles », « narcoenclaves »… Ces néologismes ont fait leur apparition dans le débat public ces derniers jours.
Ils sortent de la bouche du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a fait de la lutte contre le narcobanditisme une priorité.
D’où viennent-ils et pourquoi sont-ils de plus en plus utilisés ? Pour le savoir, TF1Info a interrogé deux experts en communication politique.
Depuis une semaine, on les entend partout. Après plusieurs fusillades sanglantes liées à des trafics de drogue, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait jugé la semaine dernière que la France était à un « point de bascule » face au narcotrafic (nouvelle fenêtre) qui, selon lui, menace de « mexicanisation » notre pays. « Ces fusillades, ça ne se passe pas en Amérique du Sud, ça se passe à Rennes, à Poitiers« , déclarait-il vendredi dernier sur le plateau de BFMTV/RMC (nouvelle fenêtre), fustigeant les »narcoracailles [qui] n’ont plus de limites« . Le garde des Sceaux, Didier Migaud, avait repris mardi dernier le terme de « mexicanisation » au micro de franceinfo, évoquant des « narcocriminels » aux « méthodes qui sont proches de celles des cartels sud-américains« .
L’expression « mexicanisation » ne vient pas de la bouche des « spin-doctors » des cabinets des ministres. Les policiers l’utilisent depuis longtemps pour évoquer l’ampleur du narcobanditisme en France. Dans une note confidentielle sur les règlements de comptes entre trafiquants révélée fin mai par franceinfo (nouvelle fenêtre), les services de la police judiciaire pointent de fortes similitudes entre la nouvelle génération de criminels et les « sicarios », ces tueurs à gages, souvent très jeunes, qui sont engagés par les cartels d’Amérique latine. Mais depuis une semaine, ce néologisme a pris une tout autre ampleur dans le débat public.
« Quand on veut faire reconnaître un problème comme un problème d’ordre public, cela passe très souvent par un travail sémantique. C’est comme avec le terme de féminicide il y a quelques années. Généralement, les premières semaines, il est entre guillemets. Et quand les guillemets disparaissent, c’est qu’il est reconnu comme un problème public à part entière », souligne auprès de TF1Info, Raphaël Haddad, fondateur de l’agence Mots-Clés. « Le fait d’utiliser, de propulser dans l’espace public un néologisme ou un mot réservé à un domaine très spécifique, très expert, va lui donner un écho médiatique plus important« , souligne ce spécialiste en communication politique.
L’image qu’on a de l’Amérique centrale, ce sont des hommes qui tirent sur tout et n’importe quoi
L’image qu’on a de l’Amérique centrale, ce sont des hommes qui tirent sur tout et n’importe quoi
Pascal Lardellier, sociologue
En important ce vocable dans le débat public, le ministre de l’Intérieur entend créer une dynamique autour de ce sujet, abonde le sociologue Pascal Lardellier : « Lorsque Bruno Retailleau parle de risque de ‘mexicanisation’ du pays, les journalistes sont obligés de préciser ce qu’il se passe au Mexique avec la guerre des cartels qui fait 30.000 morts par an ou les gens riches qui ont des gardes du corps pour emmener leurs enfants à l’école. Je n’aurais pas le cynisme de dire qu’on gouverne par la peur, mais depuis Machiavel, on sait que ça peut être utile. Mais c’est malheureusement un état de fait. On s’aperçoit que l’État, les quartiers et la société sont véritablement gangrénés par le problème de la drogue. Et donc, il faut épouser ce qu’on appelle un narratif ».
Et pour cela, le choix des mots est essentiel. « L’utilisation du préfixe ‘narco’ qui est accolé à énormément de mots ces derniers jours, comme ‘narcoracailles’ ou ‘narcoenclaves’ par exemple, permet de qualifier cette extension du domaine de la drogue, pour paraphraser l’écrivain Michel Houellebecq. Cela sert à montrer aux gens que cette drogue gangrène tellement les institutions et la société que, au bout du compte, elle gangrène aussi le vocabulaire. Le préfixe ‘narco’ habille quelque chose qui existait mais qui prend de l’ampleur. L’image qu’on a de l’Amérique centrale, ce sont des hommes qui ont un pistolet dans chaque poche, et qui tirent sur tout et n’importe quoi« , décrypte Pascal Lardellier.
Dans le but de créer un électrochoc ? « En entendant ‘narcoracailles’, les gens vont tilter. Parce que la nouveauté, cela interpelle toujours, alors que si on parlait de trafiquant de drogue, tout simplement, le mot est tellement éprouvé, et donc vidé de son sens, qu’il n’induit plus de réaction chez son locuteur« , explique le sociologue. Paradoxalement, poursuit-il, « le terme ‘mexicanisation’ renvoie plutôt dans l’esprit des gens à quelque chose d’exotique, pour ne pas dire sympathique. Quand on pense au Mexique, on pense à la fiesta, aux orchestres avec les grands chapeaux en paille, à Acapulco. Si on parle des cartels de drogue, on pense d’abord à la Colombie et à Pablo Escobar. Mais ‘colombisation’, ça sonne tout de suite moins ».
Cet écrit a été rendu du mieux possible. Au cas où vous projetez de présenter des renseignements complémentaires à cet article sur le sujet « La Charente s’expose » vous pouvez écrire aux contacts affichés sur ce site. charente-expo.com vous présente de lire cet article autour du sujet « La Charente s’expose ». charente-expo.com est une plateforme d’information qui réunit de multiples informations publiés sur le web dont le domaine principal est « La Charente s’expose ». Connectez-vous sur notre site charente-expo.com et nos réseaux sociaux dans l’optique d’être informé des prochaines communications.