Presque inexistantes il y a trente ans, les écoles privées hors contrat connaissent une croissance significative depuis une dizaine d’années. Selon la Fondation pour l’école, ces structures qui ne bénéficient d’aucun financement public sont passées d’une quarantaine en 1994 à environ 2 600 aujourd’hui. Soit 4,5 % des établissements scolaires français. Elles accueillent 130 000 enfants, soit 1 % des effectifs scolaires, qui sont de 12 millions d’élèves – 10 millions inscrits dans le public et 2 millions dans le privé sous contrat. Bien qu’elles demeurent minoritaires dans le paysage éducatif, leur dynamisme est indéniable. Preuve en est : à la rentrée de septembre, elles ont ouvert 300 classes, tandis que le public en fermait 2 500 et le privé sous contrat 500, en raison de la baisse démographique.
Comment expliquer ce succès ? Anne Coffinier, la présidente de Créer son école, observe que ces écoles, collèges et lycées font écho aux évolutions de la société. « De nombreux parents recherchent des solutions mieux adaptées aux besoins spécifiques de leurs enfants, notamment pour ceux souffrant de troubles dys ou à haut potentiel. Par ailleurs, depuis la pandémie, une tendance à l’enracinement et un intérêt croissant pour des pédagogies en lien avec la nature ont émergé. Enfin, le développement des écoles bilingues s’explique par l’internationalisation des modes de vie des élites ainsi que par une perte de confiance dans l’avenir de la France, qui incitent les parents à miser sur le bilinguisme pour donner à leurs enfants la possibilité d’émigrer », énumère-t-elle.
Le directeur général de la Fondation pour l’école, Michel Valadier, souligne la philosophie de ces établissements engagés au service des parents qu’ils considèrent comme les premiers éducateurs de leurs enfants. À l’inverse, selon lui, de l’école publique qui, « influencée par des courants idéologiques, estime que l’enfant appartient à l’État et doit être soustrait aux déterminismes familiaux, notamment culturels et religieux ».
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Mais tous deux attribuent cette réussite à une « fuite » vers un système jugé plus efficace, en grande partie grâce à ses méthodes pédagogiques. Libres de tout contrat avec l’État, ces écoles ne sont pas soumises aux programmes officiels – tout en respectant le socle commun des connaissances – et jouissent d’une grande liberté. Selon l’association Créer son école, la moitié d’entre elles proposent une pédagogie classique qui privilégie la transmission des savoirs fondamentaux (lecture, écriture, calcul, grammaire) en s’appuyant sur la mémorisation, l’exercice répété et l’acquisition progressive des connaissances, tout en mettant l’accent sur la rigueur, la discipline et le respect de l’autorité.
Un tiers de ces écoles mettent en pratique la méthode Montessori, fondée sur l’apprentissage par l’expérience dans un environnement où l’enfant est libre de choisir ses activités. « Loin d’un pédagogisme stérile, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes, les pédagogies y sont adoptées car elles sont efficaces. Elles permettent de transmettre les savoirs fondamentaux qui nourrissent l’intelligence et développent l’esprit critique des élèves qui obtiennent généralement un bon niveau en sortant de ces établissements », observe Michel Valadier en s’appuyant sur une enquête menée par la Fondation pour l’école depuis deux ans sur les débouchés post-bac des lycéens issus du hors contrat.
« Les statistiques montrent que les résultats obtenus par nos élèves au brevet des collèges et au bac sont supérieurs à la moyenne nationale. À la rentrée 2024, 16,8 % des bacheliers ont intégré une classe préparatoire aux grandes écoles contre une moyenne nationale de 2,3 % l’an dernier », illustre-t-il. Une autre étude en cours, réalisée par Créer son école, met en avant les excellents résultats d’anciennes élèves du hors contrat au concours d’entrée de l’École normale supérieure (ENS).
Alors que le dernier classement Pisa révélait en décembre 2023 l’effondrement du niveau des élèves français, notre système éducatif ne gagnerait-il pas à s’inspirer des pratiques qui font le succès de ces écoles indépendantes ? « Certaines mesures fréquentes dans le privé hors contrat et sous contrat ont été adoptées, comme l’introduction de l’uniforme et l’interdiction des smartphones dans les écoles et collèges. Ces initiatives restent cependant expérimentales et ne concernent pour l’instant qu’un nombre très limité d’établissements », regrette Michel Valadier. Anne Coffinier évoque des solutions simples, comme l’augmentation du volume horaire des matières fondamentales telles que le calcul et le français. Elle suggère de structurer les programmes de manière chronologique et progressive, en évitant les sujets transversaux et problématisés, inutilement complexes.
Elle estime, en outre, qu’il est crucial de cultiver le sens de l’effort personnel dès le plus jeune âge. « En France, on est obsédé par des considérations purement scolaires, en négligeant hélas la construction de la personnalité, ce que l’on appelait autrefois la formation du caractère. Les grands éducateurs catholiques étaient très préoccupés par cette idée de formation du caractère, qui s’opérait aussi dans et par les apprentissages académiques. Les créateurs d’écoles indépendantes sont le plus souvent animés du souci de former la personnalité des élèves dans leur ensemble, en développant un certain rapport à l’existence, à la difficulté, à l’altérité », analyse-t-elle.
Le retour des devoirs
Des méthodes que Charles-Aimé Capcarrère, enseignant dans le primaire et auteur du Manuel de calcul mental rapide (Critérion), a tenté de mettre en pratique dans le système public. « J’ai mis l’accent sur les savoirs fondamentaux et imposé des devoirs du soir. Des chercheurs ont montré qu’ils étaient essentiels pour ancrer les apprentissages. Ils contribuent, en outre, à réduire les inégalités sociales, car tous les élèves y sont soumis. Sans eux, seuls les enfants de milieux favorisés bénéficient de cours de soutien qui les aident à progresser, tandis que les plus modestes se retrouvent sans accompagnement », tient-il à préciser.
Une exigence très bien accueillie par élèves et parents qui en ont constaté les fruits, mais qui a été jugée non conforme aux principes de l’Éducation nationale. « J’ai été sanctionné par de mauvaises évaluations lors de mes inspections, ce qui a bloqué ma rémunération. Un inspecteur m’a même dit : “J’admire le résultat, mais j’abhorre vos méthodes” », s’indigne l’instituteur qui, de guerre lasse, a quitté le public pour rejoindre le hors contrat.
Pour Michel Valadier, il est crucial d’octroyer non seulement une véritable liberté pédagogique aux enseignants, mais surtout d’offrir aux chefs d’établissement une pleine autonomie dans le recrutement de leurs professeurs. Raison pour laquelle il espère que la proposition de loi du sénateur Max Brisson visant à créer des « établissements publics autonomes d’éducation », adoptée en première lecture par le Sénat en avril 2023, sera enfin reprise par la nouvelle Assemblée nationale. « Depuis trop longtemps, crédits et moyens supplémentaires sont les remèdes exclusifs à la dégradation de notre école. Cela masque l’impuissance à réformer un système trop vertical, trop uniforme et oublieux des particularités », avait déclaré le sénateur LR avant d’ajouter : « Alors que les pays de l’OCDE consacrent en moyenne 4,5 % de leur PIB à l’éducation, la France y consacre 5,2 %. Et pourtant, la performance de notre système éducatif ne cesse de se dégrader. […] On dépense beaucoup, on ne repense jamais. »
« L’école publique peut faire mieux sans moyens supplémentaires », abonde Michel Valadier qui rappelle qu’en moyenne, un élève du public coûte 10 000 euros par an, contre 7 000 pour un élève du privé sous contrat et 3 500 pour un élève du hors contrat.
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