Au Rwanda, le retour timide de la langue française

Devant l’université de Kigali, Anastase, 22 ans, s’exprime dans un français parfait. « Mes parents sont francophones », confie-t-il. À ses côtés, Jean Bosco, étudiant en droit, dresse un constat différent : « Seul mon prénom vient de France. Ici, on parle anglais, la langue internationale et de l’avenir. » Car d’après un rapport de 2022 de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le pays des Mille Collines ne compterait plus que 793 000 francophones, soit 6 % de sa population.

Ce recul s’explique par l’abandon du français comme langue d’instruction dans les établissements scolaires au profit de l’anglais depuis 2010. Et par l’intégration du Rwanda dans le Commonwealth en 2009, réclamée par le président Paul Kagame. Anglophone convaincu, celui-ci a fait de la langue de Shakespeare une langue officielle, au côté du kinyarwanda, du français et du swahili (depuis 2017).

« Le français est la langue du colon belge et d’un État français complice lors du génocide des Tutsis en 1994, souligne une source étatique. D’où, peut-être, la volonté jadis de couper avec l’influence française. »

Or, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, une normalisation des relations s’est opérée. Marquée par le rapport Duclert – qui concluait en mars 2021 à « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de la France lors de l’engrenage génocidaire de 1994 –, la normalisation s’est poursuivie par la nomination de l’ambassadeur Antoine Anfré et par la visite du président de la république en mai 2021 lors des commémorations du génocide.

Regain d’intérêt pour les cours de français

Le rapprochement s’est ressenti au Centre culturel francophone du Rwanda (CCFR), ouvert la même année. « 45 000 personnes ont poussé les portes du CCFR cette année. En trois ans, ça a augmenté de 6 000 personnes », se réjouit Johan-Hilel Hamel, son directeur délégué.

Cela traduit un regain d’intérêt pour les événements culturels mais aussi pour les cours de français que le centre dispense. « Depuis 2021, il y a eu un boom de 216 % de participation aux examens que l’on propose, ce qui représente près de 5 000 personnes. Cumulé avec les cours de français, c’est plus de 10 000 élèves. »

Et d’ajouter : « On a aussi tissé des partenariats avec 56 écoles dans le pays. » Ces partenariats s’étendent même à la sphère militaire puisque, grâce à des financements de l’OIF, l’Institut français du Rwanda forme aussi à la langue française des casques bleus rwandais de l’académie militaire de Gako, appelés à se déplacer sur des théâtres de guerre où la maîtrise du français sera nécessaire.

Louise Mushikiwabo, pari gagnant d’Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron a par ailleurs œuvré en 2018 à la nomination de Louise Mushikiwabo – ex-ministre des affaires étrangères du Rwanda – à la tête de l’OIF. Avec la francophonie comme moyen des ambitions diplomatiques françaises, l’objectif était double : effacer les fantômes de la Françafrique en offrant au Rwanda un outil de soft power et faire revenir le petit pays dans le giron francophone.

À l’époque, ce soutien avait été critiqué car Louise Mushikiwabo avait estimé en 2011 que « l’anglais est une langue avec laquelle on va plus loin que le français. Au Rwanda, le français ne va nulle part. » Mais six ans plus tard, le pari diplomatique semble avoir fonctionné. « Grâce à sa nomination et la réconciliation franco-rwandaise, le français n’est plus la langue d’un pays hostile, sinon ennemi, souligne une source au Rwanda. Les officiels français en visite font l’essentiel de leurs entretiens avec les autorités rwandaises en français, idem pour l’ambassadeur de France. »

Mais certains griefs adressés à Louise Mushikiwabo devraient persister. À Jeune Afrique, elle explique que « la langue anglaise (…) prend le dessus, et c’est un signe des temps » et que « l’OIF, ce n’est pas la France ». Pas de quoi rassurer ses détracteurs. « Mais ce qui est acquis est acquis, assure-t-on à Kigali. Il faudrait qu’Hubert Védrine redevienne ministre des affaires étrangères pour que le français soit à nouveau la langue de l’ennemi. »

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