A quelques mois de l’annonce des rendements 2024 des contrats d’assurance vie, un scénario catastrophe pèse sur les épargnants. Mais est-il bien réaliste ?
Tempête à l’horizon ? D’ici moins de quatre mois, à compter de janvier 2025, les assureurs vont progressivement dévoiler les rendements 2024 de leurs fonds euros, les supports à capital garanti des contrats d’assurance vie sur lesquels les Français ont placé quelque 1 400 milliards d’euros. Mais ces annonces pourraient-elles être le point de départ d’un scénario noir ? Pour l’heure, les premières prévisions ne portent pas à l’optimisme : selon le cabinet Facts & Figures, le rendement moyen des fonds euros devrait reculer à 2,50% cette année, après avoir atteint 2,60% en 2023.
Surtout, selon ces mêmes anticipations, les moins bons élèves de la cuvée ne devraient pas «sortir» un rendement supérieur à 1,2% en 2024. Bien moins que d’autres placements concurrents, également garantis, et plus liquides que l’assurance vie : le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) en tête, dont le rendement, actuellement gelé à 3%, pourrait reculer à 2,60% ou 2,70% le 1er février prochain. Soit deux fois plus que ce qu’afficheront les moins bons contrats d’assurance vie. Sans compter que le rendement des livrets réglementés est net, quand il faudra encore enlever au minimum 17,2% de prélèvements sociaux à la rémunération d’une assurance vie, si le contrat a plus de 8 ans !
Les fonds euros sont déjà en situation de décollecte nette
Cet écart de rémunération pourrait conduire les fonds euros à perdre encore en attractivité aux yeux des épargnants. En 2023, ces derniers ont déjà retiré davantage qu’ils n’ont versé sur ces supports. Résultat : une décollecte nette de 27 milliards d’euros, la plus massive de ces 10 dernières années. Au premier semestre 2024, les retraits (ou rachats) ont été moins importants, mais les fonds euros restent dans le rouge (-700 millions d’euros de collecte), malgré l’amélioration des rendements constatée en 2023 (+0,7 point par rapport à 2022, à 2,60% en moyenne).
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Le problème, c’est que cet état de décollecte chronique peut alimenter un cercle vicieux : si les épargnants ne versent plus sur leurs contrats, les assureurs qui affichent des rémunérations décevantes ne peuvent pas souscrire des obligations (actifs dont sont constitués à 80% les fonds euros) mieux rémunérées actuellement que celles qu’ils ont déjà en portefeuille. Ils ne peuvent donc pas faire remonter le rendement servi. Ce qui, de nouveau, incite les épargnants à ne plus effectuer de versements, voire à retirer leur argent.
Une situation qui porte «un risque majeur de liquidité»
Plus grave, cette situation porte en elle «un risque majeur de liquidité» pour Hugo Benoit, fondateur de Cap Atlantique Patrimoine. Pour les investisseurs initiés, cela pourrait ressembler à ce qu’ont connu cette année certaines sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). A savoir, une situation où des demandes de retraits massives ne sont pas compensées par une collecte suffisante. En assurance vie, les épargnants «sortants» sont en principe remboursés par les flux d’argent «entrants». Mais s’ils ne sont pas suffisants, l’assureur se voit contraint de vendre les obligations qu’il a en portefeuille : «Les obligations qui arrivent à échéance ou qui sont cédées avant leur terme servent à payer les clients», résume Hugo Benoit.
Or les vieilles obligations détenues par ces assureurs ont moins de valeur que celles émises aujourd’hui, qui rapportent davantage. Pour le dire simplement, les assureurs devront donc les revendre moins chères qu’ils ne les ont achetées, et encaisseront ainsi des «moins-values». Ce qui conduit à une situation potentiellement cauchemardesque pour les épargnants. Prenons un exemple purement théorique : un client a investi 1 000 euros dans son assurance vie, et uniquement en fonds euros. Il souhaite récupérer ce capital, mais faute de collecte suffisante, l’assureur est contraint de vendre son portefeuille d’obligations, ce qui, moins-value oblige, ne lui rapporte que 800 euros pour ce contrat. Les fonds euros étant des supports à capital garanti – l’épargnant ne peut pas perdre d’argent en investissant dessus -, l’assureur est obligé de mettre la main à la poche pour restituer au client l’intégralité de ses économies.
Imaginez désormais que ce scénario se répète pour des dizaines de milliers de clients d’un même assureur : il risque, avec un portefeuille déprécié et une collecte en berne, de ne pas avoir suffisamment de réserves pour honorer toutes les demandes de rachat ! «Le fonds en euros est certes un placement sûr et garanti, mais il n’affiche pas son potentiel risque de moins-value», pointe en ce sens Hugo Benoit. Devez-vous donc craindre de ne pas pouvoir récupérer l’intégralité de vos économies dans les mois qui viennent ? Rassurez-vous, ce scénario reste heureusement hautement improbable.
Un scénario noir qui reste tout sauf certain
D’abord, les velléités de retraits massifs sur les fonds euros devraient continuer à s’atténuer. Selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet Good Value for Money, l’écart entre les meilleurs et les moins bons taux servis devrait en effet se résorber cette année : «les meilleurs élèves de l’année dernière devraient distribuer un peu moins, et les moins bons un peu mieux». De plus, avec des taux en recul en 2025, le Livret A et le LDDS feront peser une concurrence moins rude sur l’assurance vie. D’autant que dans le même temps, d’autres solutions d’épargne liquides, comme les livrets bancaires et comptes à terme, vont, elles, continuer à voir leurs rendements s’éroder sous l’effet des baisses des taux directeurs actées par la Banque centrale européenne (BCE). Baisses qui vont également rendre les crédits immobiliers moins coûteux pour les ménages, qui auront par conséquent moins besoin de puiser dans leur assurance vie pour financer l’achat d’un logement.
Ensuite, même en cas de rachats en masse, et donc de moins-values enregistrées par les assureurs, ces derniers semblent avoir suffisamment de réserves pour permettre aux épargnants de récupérer leur mise. En assurance vie, c’est la «marge de solvabilité» qui permet de mesurer la quantité de fonds propres qu’un assureur a à sa disposition pour garantir le capital d’un épargnant dans toutes les situations : quand cette marge est supérieure à 100%, l’assureur remplit ses obligations en la matière, et plus ce pourcentage est élevé, plus son bilan est estimé robuste. Or selon les dernières données de Good Value for Money, le niveau moyen de couverture de la marge de solvabilité par le secteur de l’assurance vie était de 228% fin 2022.
Qui plus est, même si un assureur risque d’être dans l’incapacité de rembourser ses clients – et donc en situation de potentielle faillite -, «les pouvoirs publics interviendraient avant qu’un tel scénario se concrétise», souligne Cyrille Chartier-Kastler. En effet, depuis l’adoption de la loi Sapin 2, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) peut décider de bloquer les mouvements sur les assurances vie en cas de risque financier majeur. «Concrètement, un épargnant qui voudrait retirer son capital devrait attendre que la collecte reparte, ou que l’assureur soit renfloué», traduit Cyrille Chartier-Kastler. Autrement dit, les retraits seraient bloqués le temps que l’assureur récupère les fonds nécessaires pour les honorer. En dernier recours, il faut enfin rappeler que même en cas de faillite d’un assureur – ce qui ne s’est encore jamais produit en France -, les souscripteurs d’assurances vie sont couverts jusqu’à 70 000 euros par le Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Le pire est donc tout sauf certain.
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